C’est une belle journée d’été ensoleillée. Je suis assise à la terrasse de l’un de mes endroits préférés au bord du lac, où j’aime venir prendre mon café avant de débuter la journée quand il fait beau. Je vois un bateau accoster, des gens sortent, certains viennent s’asseoir sur les tables à proximité. Un homme lit son journal. Deux femmes discutent et rient ensemble. Des enfants jouent devant nous. La serveuse vient m’apporter un café et un croissant en me saluant d’un grand sourire. Nous échangeons quelques mots en se disant que nous avons de la chance de vivre dans une région si magnifique. Puis mon regard se perd dans le lac alors que je bois quelques gorgées de café chaud. Je laisse les rayons du soleil éclater sur mon visage en respirant l’odeur lacustre de l’air. Je ferme les yeux. Nous sommes en août 2019.

 

Lorsque j’ouvre les yeux

Je vois un petit homme s’approcher de ma table. Je suis étonnée de le voir porter un masque chirurgical. Est-il malade ? Médecin peut-être ? Il me demande s’il peut s’asseoir en face de moi. Troublée, je réponds par l’affirmative car je vois dans son regard qu’il a quelque chose d’important à confier. Je ne me sens pas du tout à l’aise d’accepter un inconnu à ma table. Je regarde autour de moi : l’homme lit toujours son journal, les deux femmes rient de plus belle et des mamans jouent avec leurs enfants.

Il ne devrait rien arriver de grave. Rien de bien grave.

L’homme me demande comment je vais. Je lui dis que je suis heureuse. Que je vais vivre une nouvelle journée en faisant ce qui me passionne, et que la débuter dans ce cadre est une vraie bénédiction. Je vois son regard sourire. Il me dit que c’est très bien de réaliser la chance que j’ai et que la gratitude me permettra de trouver le chemin.

« Mais quel chemin ? » lui dis-je. « Et pourquoi portez-vous ce masque ? Vous me faites presque peur… »

 

Il me promet qu’il va me répondre

Mais avant cela, il me demande si j’ai de grands projets prochainement. Je lui explique, avec les yeux qui brillent, que je vais bientôt partir sur un autre continent en famille, durant deux mois. « Dans trois mois exactement », lui dis-je, avec joie. Je vois son regard s’assombrir. Il me répond : « très bien, ça ressemble à un très beau projet en effet. Profitez-en le plus possible. Car ensuite, rien ne sera plus jamais pareil. »

Je ne comprends pas. Mais qu’est-ce que vient faire ce drôle de personnage à ma table, pourquoi vient-il me parler par énigmes et me raconter ces choses qui ne semblent avoir aucun sens ?

Je crois qu’il voit que mon regard commence aussi à changer. J’ai envie de lui dire de partir car je pense que c’est quelqu’un qui n’a pas toute sa tête. Mais pourquoi l’ai-je laissé s’asseoir en face de moi ? Je buvais tranquillement mon café. Qu’est-ce qui m’a pris ? Je n’accepte jamais de parler à des inconnus de la sorte !

Pourtant, quelque chose me retient de le chasser. Il baisse les yeux. Mon cœur se met à battre très vite, je sens une angoisse m’envahir. Il a quelque chose à m’avouer.

« Bon, me dit-il, ce que je vais te dire ne va pas du tout te faire plaisir, je te préviens. Mais je me dois de t’avertir. »

 

M’avertir, moi ?

Mais de quoi ? Et pourquoi ?

« C’est l’une des dernières fois avant…. Longtemps, très longtemps, trop longtemps, que tu boiras ton café sur cette terrasse dans cet état de gratitude et d’insouciance.

Peut-être le pourras-tu l’été prochain, encore un peu… Tu seras alors entourée de gens comme moi, masqués, et tu devras certainement l’être aussi. Si ce n’est pas durant l’été, ça sera quelques mois plus tard. Mais à ce moment-là, les cafés seront tous fermés. Les restaurants aussi. Tu ne pourras plus aller écouter de concerts, voir des pièces de théâtre, te rendre au cinéma. Ton rapport à l’art et au divertissement passera seulement par internet. Tant qu’il y aura internet… Tu pourras encore fréquenter quelques amis, mais en nombre très restreint. Tu auras appris à limiter tes contacts sociaux car toute la planète sera confinée. Puis déconfinée. Puis reconfinée, à plus ou moins grande envergure. On vous fera apprendre à « désaimer » d’une certaine manière, car les rapprochements seront strictement interdits et s’embrasser pour dire bonjour et au revoir ne sera plus qu’un souvenir. Dans ce contexte anxiogène, tu auras de moins en moins envie de voir des gens de toute façon. »

Je ne peux pas le croire. Je ne veux pas le croire.

« Où vivent tes parents, ajoute-t-il ? »

 

J’arrive à peine à percevoir la question

Je suis complètement abasourdie par ce que j’entends, et je sens la colère m’envahir. Je veux lui demander de partir mais je n’y arrive pas. Je réponds en mode robot : « ma mère vit en France et mon père dans les étoiles. »

Il continue en me disant « Alors vois ta mère le plus possible ces prochains temps. Car bientôt vous ne pourrez plus passer du temps ensemble avant… un certain moment. »

Je sens les larmes m’envahir. Il ajoute : « les frontières seront fermées. Un peu partout, puis cela va se généraliser. De toute manière, plus personne n’aura envie de partir nulle part avec le chaos dans lequel sera le monde. Il y aura des attaques terroristes. Un climat de grande peur partout. Des révoltes d’abord tues, bafouées et qui ne feront que s’amplifier. Car tout ce qui apporte de la joie et de la chaleur humaine se voudra écarté. On masquera les enfants aussi. »

 

Je ne comprends pas

Je ne peux pas comprendre. Je ne veux pas comprendre.

« Mais pourquoi ? » lui dis-je. « C’est donc une guerre qui s’annonce ? Mais entre qui et qui ? »

« C’est une guerre en effet. Une guerre des temps modernes. L’humain a évolué, les schémas sont aujourd’hui différents, on ne peut donc pas vivre exactement les mêmes choses que par le passé. Ceci est une guerre causée par… un virus. »

« Un virus ? Mais quoi comme virus ? » Je pense en premier lieu à un virus informatique. Je vois le monde virtuel s’enflammer, la technologie s’emparer de nous.

Il semble lire dans mes pensées car il me répond : « Tu n’en es pas loin… Mais ce virus est bien lié à une maladie en premier lieu, qui va se propager si vite et de manière tellement incontrôlable que cela va semer une immense panique, absolument partout sur la planète. Des divisions vont se créer. Certains tomberont très malades, il y aura des morts, et d’autres resteront en parfaite santé. On ne comprendra tout simplement pas grand-chose à ce qui est en train de se produire. Il y aura des gens terrifiés, des éclaireurs, des conflits, des évolutions drastiques de mode de pensée, et comme tu l’auras certainement très bien compris, de l’inédit. Oui, c’est peut-être ça le mot qui résume tout : inédit. »

 

Inédit. Non-dit.

Les larmes roulent le long de mes joues. Je me sens mal. J’ai la nausée. Mon souffle s’accélère. Tout se brouille dans ma tête. Je pense à ceux que j’aime. Je vois la grandeur de la planète, de la nature, du futur. Je prends tout à coup comme une nouvelle conscience de l’ampleur du monde. Je le regarde en grand angle. Très grand angle. Tout est coloré. Puis tout devient gris, très gris.

« Mais pourquoi doit-on vivre tout ça ? » lui dis-je avec le peu de force qu’il reste dans ma voix.

« Tu le sauras quand il sera temps, comme tous les autres. Chacun verra et comprendra différemment, et en fonction de cela dessinera son propre chemin. Ne crée-t-on pas tous notre propre réalité ? »

« On dirait un film catastrophe », lui dis-je en sanglots.

« Certes. Mais n’oublie pas une chose, et c’est la seule et unique que je voudrais que tu retiennes de cette conversation : chaque être humain sera concerné. Et c’est entre vous que vous pourrez concevoir l’issue de tout cela. Je ne veux pas parler de fin. Car ça n’en sera pas une. Au contraire, ça sera le début de quelque chose. De Grand. »

 

Mon regard se perd à nouveau vers l’horizon

Le goût du café que j’ai en bouche n’est plus le même. Je reste ainsi perdue dans mes pensées durant quelques secondes.

Quand je reviens à moi, l’homme a disparu. La tonalité du paysage a changé. Les personnes autour de moi ont quitté les lieux. Je n’entends plus les dames parler, ni les enfants jouer. Je reprends mes esprits en ayant l’impression d’avoir fait un voyage surnaturel.

Il ne devrait rien arriver de grave. Rien de bien grave.

Je crois même que tout ira bien. Très bien et pour le mieux.

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